Richement dotée en compétences humaines et en moyens de fabrication, la société normande met tout en œuvre pour profiter des opportunités industrielles qu’offre cette technologie d’avant-garde. Avec l’objectif de fabriquer des lots de plus en plus importants.
Pionnier parmi les pionniers de la fabrication additive en France, Volum-e est sans doute un cas d’école. L’entreprise située à Blangy-sur-Bresle (76), à la frontière de la Normandie et des Hauts-de-France et dans la Glass Vallée, le premier pôle mondial du flaconnage de luxe pour la parfumerie, les spiritueux ou l’industrie pharmaceutique, est un des acteurs historiques de ce marché en France. «
C’est en 1993 que MMB (Maquettes et Modèles de Bresle) se lance dans cette activité avec l’installation de premières machines de stéréolithographie et frittage de poudres 3D Systems », confirme France Desjonquères, Pdg de 3DS Group, l’enseigne qui regroupe les sociétés MMB et Volum-e. « Le passage à la fabrication additive métallique a été une évolution toute naturelle, car MMB fournissait depuis sa naissance en 1971, des maquettes pour les grands industriels du façonnage de luxe et de l’automobile. » A la recherche des moyens et des méthodes pour accélérer la création des prototypes pour ces applications, l’entreprise décide de créer en 2003 MB Proto. Objectif : assurer les premières expérimentations de la fabrication additive métallique. « Notre savoir-faire dans le domaine du plastique nous a été d’un grand secours, tout comme la participation à plusieurs projets de recherche européens dans ce domaine », poursuit cette entrepreneuse dynamique décidée à placer toujours son groupe à la pointe du progrès technologique. Devenu un des principaux acteurs français dans la réalisation de maquettes, des prototypes, des petites séries et des éditions limités, 3DS Group met ainsi les bouchées doubles. En 2015 MB Proto change de nom et devient Volum-e pour mieux représenter les activités de fabrication additive du groupe, qui décide de doubler ses capacités de production dans ce domaine. Avec le lancement dans la foulée d’un plan d’investissement ambitieux. « De 2015 à ce jour, nous avons déjà investi près de neuf millions d’euros en machines, installations et bâtiments », détaille France Desjonquères. « Quatre millions d’euros devrait s’ajouter d’ici 2023 à cet effort pour l’acquisition de nouvelles machines et installations ainsi que la construction d’une usine qui augmentera les capacités de fabrication additive métallique. » Un pari gagnant, car le savoir-faire de Volum-e conjugué avec des moyens hors du commun se matérialise dans des véritables exploits. Comme la fabrication additive d’un collecteur en Inconel 718 pour Ariane 5 en 2016, premier vol spatial d’une telle pièce.
Collecteur en Inconel 718 pour Ariane 5 en 2016, premier vol spatial d’une pièce réalisée avec une machine de fabrication additive (Source : Volum-e)
Un processus de fabrication intégré
« Il a fallu reconcevoir la pièce pour intégrer certaines fonctions et pouvoir respecter les objectifs imposés par ArianeGroup », explique Julien Bernard, responsable design chez MMB et Volum-e. Réduction du cycle de fabrication, de coût, de masse… les travaux du bureau d’études assuré par des spécialistes avec l’aide d’outils logiciels efficaces comme Catia et SolidWorks de Dassault Systèmes, Solid Edge de Siemens PLM Software, Rhino de McNeel ou Magics de Materialise ont porté leurs fruits. Très intégré, Volum-e dispose d’un parc de 31 machines qui lui permet d’assurer les travaux de fabrication additive métallique et plastique, de rectification, d’usinage 5 axes et de tournage, de coulée sous vide, de métallisation, de peinture haut de gamme… Un laboratoire de contrôle doté d’un scanner ATOS et d’une machine à mesurer 3D Zeiss ainsi qu’un laboratoire d’analyse de poudres s’ajoutent à cette panoplie de production qui s’enrichit continuellement. « L’année dernière nous avons acquis une des machines de fabrication additive métallique les plus performantes du marché, l’EOS M400 dotée de quatre lasers », précise Jean Ségura qui assure depuis un an les fonctions de directeur commercial de Volum-e. Objectif : la montée en cadence pour assurer la production en série des pièces complexes. Un équipement qui s’ajoute aux autres machines EOS qui font de Volum-e une des sociétés qui maîtrisent le mieux les solutions productives du fournisseur allemand. Des M280 et M290 qui offrent une plateforme de fabrication maximale de 250 x 250 x 325 mm ainsi que deux M400, des machines de grande capacité de production par fusion laser directe de poudre métallique qui disposent d’une plateforme de 400 x 400 x 360 mm, assurent ainsi la souplesse nécessaire pour répondre aux différents cahier de charges. Des équipements que l’entreprise a adapté à ses besoins en les dotant, entre autres, de système de gestion de la poudre Realizer de SLM. « Nous analysons chaque commande pour pouvoir choisir l’équipement le plus adapté à nos fabrications », indique Clément Barret, responsable des activités « fabrication additive métallique » chez Volum-e. « Les machines EOS correspondent aux besoins de l’aéronautique, un secteur qui représente 90% de nos activités. » Des atouts qui ont convaincu des grands noms de l’aérospatial, comme Safran, Thalés et ArianeGroup. Résultat : Volum-e a été la première société française qualifiée depuis mars 2015 pour la fabrication additive métallique de pièces de vol.
Volum-e dispose d’un laboratoire de contrôle doté d’un scanner ATOS et d’une machine à mesurer 3D Zeiss ainsi qu’un laboratoire d’analyse de poudres (Source : Volum-e)
Un savoir-faire humain polyvalent
A ces moyens de production importants s’ajoutent des compétences humaines hors normes que la PME normande renforce continuellement. « Nous avons lancé en 2018 une campagne de recrutement de nouvelles compétences en fabrication additive métallique, ce qui a fait passer notre effectif de 53 à 68 personnes », précise France Desjonquères. Des ingénieurs chargés d’affaires, des spécialistes en CAO (conception assistée par ordinateur), un responsable Méthodes, des administrateurs des ventes, des commerciaux, un ingénieur maintenance, un responsable de laboratoire spécialisé dans la gestion des poudres métalliques… la liste des spécialistes qui ont complété l’équipe est longue. Et l’effort est loin de s’arrêter car la société poursuivra ces embauches avec celles de plusieurs opérateurs de production. Objectif : assurer la fabrication additive en deux équipes. Cette accumulation de savoir-faire et le niveau d’expertise acquis par Volume-e explique son rôle actif dans les travaux de normalisation de la fabrication additive. « Il s’agit d’une démarche extrêmement importante pour établir des réglés unanimement valables sur la description des procédés, les méthodes d’essai, la définition des pièces types, les logiciels et bien sûr, la sécurité », souligne Eric Baustert, responsable R&D de MMB et Volum-e, mais aussi Président du comité UNM 920 ainsi que du comité européen EN 438. Des instances qui se proposent de finaliser cette année les normes en cours de rédaction et de renforcer les travaux sur les normes aéronautiques et aérospatiales (JWG5). « Nous allons représenter la France en septembre prochain lors du comité ISO, un évènement organisé en collaboration avec le Cetim, ArianeGroup et l’UNM », annonce le spécialiste de Volum-e. Ces avancées technologiques et organisationnelles incitent l’entreprise normande à exporter son savoir-faire. « Nous avons participé à une délégation normande en Australie, organisée dans le cadre du contrat avec NavalGroup pour les sous-marins Barracuda », précise France Desjonquères. « Une occasion pour conclure un accord avec un usineur local qui veut profiter de notre savoir-faire pour ajouter des compétences en fabrication additive à son offre. » Le Royaume-Uni et la Russie sont aussi visés par ces activités de prospection. « Le secteur du luxe est un autre domaine intéressant car il s’intéresse de plus en plus à la fabrication additive pour produire des pièces sur-mesure, des créations uniques ou la fabrication à la demande », ajoute la responsable. « MMB en compte déjà plusieurs clients étrangers, comme le groupe PUIG. » Le groupe réalisé ainsi 10 % de son chiffre d’affaires (6 millions d’euros en 2018) à l’exportation et veut atteindre les 25% dans quelques années.
Nouvelle usine de 3 000 m2
La PME normande est cependant loin de s’endormir sur ses lauriers et France Desjonquères garde la tête froide. « Ceux qui pensent que la fabrication additive est la panacée et qu’il s’agit d’une partie de plaisir se trompent lourdement », avertit la patronne de 3DS Group. « La fabrication additive métallique en grande série reste un objectif lointain car il faudra avant dépasser de nombreux obstacles. Les écoles ne préparent pas assez de spécialistes ce qui rend difficiles les recrutements, la caractérisation des solutions (équipements, poudres, etc.) est un processus long et compliqué, il faut reconcevoir les pièces ou en produire des nouvelles pour tirer tous les bénéfices du procédé, les donneurs d’ordres doivent participer à l’effort financier des entreprises comme la nôtre qui sont obligées d’essuyer les plâtres… la liste de ces casse-têtes est longue. » En attendant, Volum-e met le turbo et annonce pour 2023 la mise en service à Bouttencourt (80) d’une nouvelle unité de 3 000 m2 dédiée à la recherche et la fabrication additives…
Dotée de quatre lasers, la machine EOS M400 allie productivité et polyvalence (Source : Volum-e)