Alors que la filiale française du constructeur italien a fêté ses 40 ans en 2021, nous avons souhaité recueillir l’avis de Serge Bourdier, 31 ans de maison, qui la dirige et qui est un fin connaisseur du monde de la tôlerie et de ses problématiques.
Salvagnini France fête ses 40 ans cette année. Quelles évolutions majeures du monde de la tôlerie avez-vous constaté sur cette période ?
L’évolution du monde la tôlerie a été très rapide car le contexte industriel avance très vite et nous impose des défis de plus en plus exigeants. L’industrie a changé avec deux exigeances fondamentales : il y a un besoin de flexibilité indéniable, ainsi que d’efficacité. Nos clients doivent gérer des productions de plus en plus petites avec des durées de vie de produits de plus en plus courtes, des rotations de la production de plus en plus élevées. C’est un mix de production qu’il s’agisse de la façon de travailler et de la diversité. Les entreprises ont besoin de savoir faire plus de choses et d’étendre leur domaine de compétence, tout ceci de manière très rapide. Ce secteur, comme d’autres, a abandonné les productions peu variées avec de gros volumes.
C’est plus qu’une évolution à marche forcée, que l’on peut qualifier de révolution sur laquelle Salvagnini était prête.
Plus récemment, l’augmentation importante du coût de la matière première apparue ces derniers temps a ajouté une contrainte supplémentaire en poussant les entreprises à amplifier leurs efforts pour chercher à maximiser l’utilisation de la tôle.
Nous constatons également une prise de conscience dans les entreprises de la non-exploitation des machines. Il s’agit pour elles d’utiliser au maximum les capacités machines pour assurer des rentabilités performantes. Par exemple, lorsqu’un opérateur passe beaucoup de temps devant une presse plieuse à programmer ou à changer des outils, pendant ce temps, la machine ne travaille pas. Les solutions d’automatisation se répandent dans notre industrie afin de faire sauter les goulots d’étranglement qui peuvent apparaître en différents points du process.
La collecte et le traitement de l’information issue de la production est également un axe de développement important qui permet de détecter et de corriger les freins à la productivité.
Comment la filiale française est-elle organisée pour répondre aux besoins du marché français ?
Salvagnini France fut la première filiale créée pour assurer les exportations en 1981. Notre structure s’appuie sur une stabilité de l’équipe, du magasinier qui gère les pièces de rechange au commercial en passant par l’équipe administrative et l’équipe technique qui installe les machines, forme, accompagne et dépanne les clients. Outre les qualités de nos solutions matérielles et logicielles, cette cohésion est ce qui fait notre force.
Une machine parfaite qui ne s’arrête jamais n’existe pas. C’est donc à nous de tout mettre en œuvre pour assurer un service irréprochable. On peut faire remonter l’origine de cette philosophie à la panneauteuse : la panneauteuse peut avantageusement remplacer 4 presses plieuses, sauf qu’un client qui a quatre presses plieuses peut s’appuyer momentanément sur trois presses plieuses si une panne survenait sur l’une d’entre elles ; si la panneauteuse s’arrête, la pression sur le constructeur est forte et instantanée. Nous sommes donc habitués à gérer ces situations extrêmes.
Cette culture n’est pas seulement celle de la filiale française, mais celle de l’ensemble du groupe. Par exemple, nous avons commencé en 1993 à livrer nos machines avec un modem pour une connexion à distance afin de permettre un diagnostic à distance. L’industrie 4.0 avant l’heure !
L’équipe Salvagnini France réunie pour fêter les 40 ans de l’entreprise. Serge Bourdier, 3è rang à gauche
Comment le groupe Salvagnini s’est-il adapté à cette transformation importante des modes de production ?
L’approche Salvagnini a toujours été celle de l’optimisation du flux de process. La société a donc su accompagner les tendances avant qu’elles ne se généralisent. Nous étions par exemple très impliqués avec des donneurs d’ordres à la recherche du lean manufacturing.
L’entreprise a donc été un précurseur sur certaines tendances. La première fois que nous avons lancé un robot avec programmation déportée, on nous disait que ça ne marcherait jamais. Quand nous sommes passés très tôt au laser fibre en abandonnant radicalement le CO2, on nous a rétorqué que le fibre n’était pas fait pour faire de la découpe.
Une des accélérations les plus récentes a été celle vers la numérisation et nous étions prêts sur ce point. Depuis 1993 et nos premières machines connectées, nous avons poursuivi cette dynamique. Nos machines sont bien évidemment connectées et permettent les remontées d’informations avec le prédictif comme objectif. Le groupe a une filiale qui travaille sur ce sujet afin de tirer les enseignements de ces montagnes de données. La collecte des données est en effet une chose utile à condition de s’en servir.
Les machines se sont modernisées pour apporter plus de vitesse, de souplesse et d’automatisation. Quelles sont les sources de progrès encore possibles dans les années qui viennent ?
Nous constatons une accélération des besoins ‘d’intelligence’ pour gérer les flux de production. La gestion de lots nombreux et plus petits jusqu’à la pièce unitaire nécessite d’avoir une parfaite organisation jusqu’à la traçabilité. Longtemps les chefs d’ateliers préparaient les ordres de lancement pour la semaine, puis pour la journée. Ils ne peuvent plus se permettre ça. Les paramètres à prendre en compte sont aujourd’hui trop nombreux pour travailler ainsi.
C’est quelque chose que nous avons présenté il y a quelques années avec Flexcell, notre outil de gestion d’îlots de production qui tient compte des contraintes de chaque poste en découpe, poinçonnage et pliage.
Aujourd’hui, nous proposons également une solution pour les machines seules.
De plus, la croissance des performances va de pair avec la simplification de l’utilisation des machines. Notre interface homme machine a été récemment été primée en Allemagne. Par exemple, sur nos panneauteuses, il suffit de partir d’un 3D pour obtenir en automatique la programmation. Les machines doivent pouvoir être mises en œuvre simplement et rapidement, d’autant plus avec la perte de compétence constatée par les chefs d’entreprise. A titre d’exemple, la simplification de l’utilisation des panneauteuses nous a permis de faire rentrer, avec les gammes P1 et P2, ce type de machines dans des PME. Il est devenu un outil à la portée de tous.
Les opérations sans valeur ajoutée doivent être identifiées et réduites au minimum. A ce titre, l’interconnexion aisée des machines avec les outils de l’entreprise permet véritablement de penser de manière globale l’entreprise afin de faire travailler de concert tout le personnel.
Au niveau matériel, nous avons revu toute notre gamme d’automatisation afin de la rendre encore plus modulaire et en adéquation avec les machines. En effet, avec l’augmentation de la vitesse d’exécution des machines, celles-ci sont freinées par le chargement et le déchargement. Nous en avons fait l’outil le plus performant du marché pour la tôlerie fine ou moyenne.